Art, etc.


Simon Rulquin, Coming Soon


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Simon Rulquin, Opta Cla 2, livre, cristaux, sel, urée, 2017, © Simon Rulquin et Espace Silicone.

L’espace Silicone, localisé à Bordeaux, présente une exposition personnelle de Simon Rulquin intitulée Coming Soon. Le titre donne le ton d’emblée : nous voilà face à ce qui arrive, de façon imminente, comme il s’agit d’évoquer les annonces qui ponctuent les séries télévisées dont on attend, avec un certain empressement, le prochain épisode. La typographie qui porte le titre de l’exposition en dit toutefois davantage. Les lettres capitales, en effet, blanches et imposantes, en se dressant sur un fond noir, ne sont pas sans rappeler les textes d’ouverture qui introduisent certains films, ceux de science-fiction en particulier, notamment Star Wars. Elles citent également une période emblématique, celle des années 70 ou 80 où ces films restent empreints d’une certaine atmosphère, d’une forme de spontanéité ou de créativité peut-être, ne serait-ce parce que leurs récits, leurs développements, mais aussi les effets spéciaux qui alors les accompagnent, sont remarquables par la façon avec laquelle ils ont su imprégner les imaginaires.
Coming Soon précise donc un sentiment d’attente, une expectation à l’adresse du futur, mais, paradoxalement, et c’est ce qui jalonne les œuvres présentées, il est aussi question d’enclencher un sentiment de remembrance à l’égard du passé. Ici et là dans l’exposition, par exemple, des figures représentatives de l’histoire culturelle des hommes, par leur prestige ou par leur caractère primordial, sont réactualisées à partir de l’alios que l’on retrouve dans les Landes de Gascogne. Cette Vénus de Willendorf et cette statuette précolombienne paraissent réinjectées dans le temps présent, alors que leur consistance laisse prévoir une fragilité, sinon une déliquescence des plus palpables. Plus loin, une collection de vinyles sous-entend une forme de désuétude technique, en tous les cas une période musicale résolument ancrée dans un passé récent mais révolu, alors que les pochettes font toutes œuvre d’une imagerie renvoyant aux univers fantastiques les plus enthousiastes, comme pour rappeler à quel point les projections sur le futur restent marquées par les époques qui les engendrent, encore que certaines pochettes, délicieusement vintage, paraissent impérissables.
En réalité, cet amalgame temporel chez Simon Rulquin répond à une conception de la création plastique qui toujours fait la part belle à des motifs de l’ordre de l’imprévisible, de la surprise, de l’explosif, sans que jamais ne soit démenti son attrait pour des espaces visuels qui, le plus souvent, s’inscrivent à mi-chemin entre la rêverie futuriste et la fascination pour des mondes solitaires. Aussi, si Simon cite volontiers les tenants du Land Art, en ce qu’ils ont su percevoir les étendues dépourvues d’hommes comme des vecteurs de forces incommensurables, il est question le plus souvent d’aborder des pièces dont le déploiement échappe à une idée du contrôle ou de l’intervention humaine. Ce qui importe repose alors sur la mise en place de dispositifs dont le déclenchement reste ancré dans le fortuit et l’inattendu : ainsi des projections d’eau de javel sur des murs peints en brun, dans la salle qui ouvre l’exposition. Les effets corrosifs révèlent alors des traînées blanchies ou bien des tâches constellées, plongeant la pièce dans une atmosphère quelque peu sépulcrale, un peu comme si l’on pénétrait dans une grotte paléolithique dont les parois, désormais éclairées par des lumières artificielles, restituaient des motifs sans âge. Ainsi également de ces vieux livres de science-fiction imbibés d’urée, là où des cristaux finissent par se former en prolongeant les teintes du papier vieilli. La cristallisation, feinte et provoquée, présume du temps qui transite tout en affichant des atours plastiques qui ne peuvent se départir d’une certaine forme d’élégance. Dans ces conditions, ce qui se révèle fascinant repose moins sur la perception des résultats obtenus par l’artiste que sur l’observation d’un processus en cours.
Dès lors, si cette façon de procéder, chez Simon Rulquin, traduit un attrait pour des phénomènes qui se maintiennent dans un temps quelque peu dilaté – à l’image du pendule qui, dans la seconde salle, en pivotant autour de son axe, laisse s’écouler un filet d’urée jusqu’à ce que les cercles concentriques s’amenuisent et forment une configuration spiralée – sans doute peut-on situer l’ensemble de ce travail dans une sémantique rappelant des notions d’événement ou de nouveauté, c’est-à-dire des notions qui puisent leur essence conceptuelle dans des philosophies consacrées à la question du temps et du devenir. Aussi, s’il faut constater qu’au cœur de toute nouveauté se loge une idée du cycle, de la répétition, de l’éternel retour peut-être, l’exposition de Simon Rulquin nous rappelle qu’à travers la nouveauté, au-delà de ses implications d’ordre métaphysique, ce sont avant tout les imaginaires imprimés dans la culture du passé – récent ou lointain – qui sollicitent les paysages mentaux à venir.

Image de couverture : Simon Rulquin, Composition : Artefact (Tlaloc), alios, acier, béton, 2017 / Timelapse, gravure acrylique, modeling paste, 40 x 30 cm, 2016 / Artefact (Venus), alios, acier, béton, 2017 © Simon Rulquin et Espace Silicone.

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