Art, etc.


Laurent Pernot, le temps magique


The King is Dead, Neon, high tension tube, black gravel and slate, diameter on the floor about 1m, 2012
A Cloud, HD format, silent, variable projection dimensions, 30mn loop, 2012

A Cloud, HD format, silent, variable projection dimensions, 30mn loop, 2012.

Frozen Time, Pocket watch, wood, resin, iron, artificial snow, 2012

Frozen Time, Pocket watch, wood, resin, iron, artificial snow, 2012.

Winter Bouquet, Inox vase, flowers, resins, artificial snow and frost, dimensions 70x70x70cm, 2014

Winter Bouquet, Inox vase, flowers, resins, artificial snow and frost, dimensions 70x70x70cm, 2014

Un écran de fumée, au ballottement atmosphérique, comme des volutes de vapeur sorties des entrailles de la Terre, ou comme un nuage dont on guette les variations songeuses. Une silhouette se dessine, projetée, elle tente de recueillir à l’aide d’un filet des bribes de matière éthérée. La quête entreprise dans la vidéo Catch the memories and hopes that go up in smoke peut sembler futile, elle participe cependant d’une impénétrable grandeur poétique. Comment se saisir, en effet, de l’insaisissable, qui plus est, à partir d’un faisceau de lumière ?

Représentative du travail de Laurent Pernot, cette œuvre aborde la fugacité des instants qui passent, leur beauté volatile mais aussi une rêverie imagée. Le temps, ou plutôt notre rapport au temps, est continuellement ausculté afin de libérer des récits fantastiques et imaginaires. Sont alors mis en place des dispositifs qui déjouent son inéluctabilité et son caractère évanescent, comme dans les Still Life où des fleurs encore radieuses sont préservées de la flétrissure par une pellicule glacée. Or parce que la vivacité de leur éclat reste manifeste, comme si la vie coulait encore dans chaque pétale, il semble que le temps se soit interrompu de façon soudaine, peut-être sous l’effet d’un mauvais sort ?

Texte à lire sur boum bang!
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mage de couverture : The King is Dead, Neon, high tension tube, black gravel and slate, diameter on the floor about 1m, 2012. ©Laurent Pernot et ADAGP.

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Miroir, ô mon miroir. Pavillon Carré de Baudouin, Paris


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Eva Jospin Forêt, 2013 Bois et carton Courtesy de l’artiste et Galerie Suzanne Tarasiève, Paris crédit photo : Emilie di Nunzio / Mobilier National

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Les frères Chapuisat Cellules dormantes, 2008 Laine de moutons sur tréteaux, 200 x 80 x 150 cm Courtesy de l’artiste et Galerie Mitterand, Paris

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Émilie Brout & Maxime Marion Gold and Glitter, 2015 Installation, site web, GIF animés et objets trouvés, iPad or, tissu, dimensions variables Courtesy 22,48 m2 , Paris © Émilie Brout & Maxime Marion

L’origine des contes merveilleux n’est pas toujours élucidée. En soulignant leur proximité avec les mythes et les légendes anciennes, ils relèveraient aussi bien de récits se rapportant aux Dieux et à la morale, à la poétisation populaire d’actions humaines ou à une personnalisation des forces de la nature. Toujours est-il que l’on n’explique pas forcément, dans ces récits folkloriques, l’efflorescence du monstrueux, de l’irrationnel et de la magie. À maints égards, les pratiques artistiques se présentent comme un moyen de réintroduire le merveilleux dans l’ordinaire, mais aussi comme l’occasion de repenser la place du fantastique dans ce qui compose les cultures et les sociétés.

En effet, en revisitant le conte dans un cadre plastique, l’exposition Miroir, ô mon miroir, pilotée par le laboratoire de recherches et de création L’Extension, insiste précisément sur ce qui fait du conte un motif culturel, social et anthropologique, c’est-à-dire un discours constitutif des croyances collectives. Comprenons que le conte ici n’est pas seulement perçu pour son côté inouï et détaché de nos réalités quotidiennes, il est au contraire au fondement des aspirations intimes, en se décrivant comme un mécanisme narratif qui consolide l’individu contemporain, au travers par exemple des thématiques de l’épreuve ou de l’initiation, de la transgression ou de l’affirmation de soi.

L’exposition présente en préambule la Forêt intégralement composée de carton d’Éva Jospin. La très grande densité des branchages forme un haut-relief qui invite autant à la confrontation qu’au franchissement, comme un interdit qui se brave, alors qu’une atmosphère colorée de mystères et de recoins obscurs figure un monde inquiétant, propice aux découvertes heureuses aussi bien qu’aux rencontres surnaturelles. Le spectateur se positionne en aventurier, en itinérant destiné à surmonter des obstacles, à l’image des dalles mouvantes de Charlotte Charbonnel ou des baskets enchâssées sur des morceaux de pneus de Chloé Dugit-Gros, œuvre résonnant avec les souliers fabuleux que l’on retrouve dans les imaginaires fantastiques en étant affublés de pouvoirs magiques. Par la suite, ces appels au voyage sont l’occasion de rencontres étonnantes avec des êtres étranges, reflets des forces naturelles ou des vicissitudes bienveillantes du destin. La biche constellée de Julien Salaud, majestueuse, fait écho aux silhouettes irréelles de Chloé Poizat, tandis que retentit le lumineux croissant de lune de Laurent Pernot, inexplicablement prisonnier d’une cage d’oiseau, ou la phrase mystérieuse de Jean-Baptise Caron qui dans un souffle, se dessine sur un morceau de cristal noir.

Autant d’éléments elliptiques qui semblent mus par une urgence intérieure, échappant à la raison, mais aussi, peut-être, à une forme de disjonction entre le Bien et le Mal. Les récits merveilleux n’empêchent nullement l’assise d’une forme de morale que l’on interprète avec les yeux de notre contemporanéité. Les parcours initiatiques réfléchissent parfois le passage de l’enfance à l’âge adulte qui se fait dans la douleur ou dans la perte de l’innocence, et, ainsi que nous le montre Caroline Delieutraz, les Blanche Neige d’aujourd’hui imprègnent le flux des images en perdant une part de chasteté, la caverne d’Ali Baba numérique d’Émilie Brout et de Maxime Marion décrit l’incessant besoin d’acquérir et d’accumuler, quand il revient à Giulia Andreani d’associer l’horreur totalitaire à la convenance sereine des réunions de famille.

L’exposition Miroir, ô mon miroir répond ainsi à un projet curatorial bien plus téméraire que ne le laisse prévoir sa thématique globale, car en sondant ce qu’il y a de magique dans les récits folkloriques du passé, il s’agit aussi de questionner ce qu’il y a d’irrationnel dans les discours contemporains.

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Caroline Delieutraz Blanche-Neige décryptée, 2015 Impression numérique Courtesy Galerie 22,48 m2 , Paris

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Julien Salaud Constellation de la biche 2, 2012 Taxidermie, clous, fils de coton, perles de rocaille, 160 x 180 x 93 cm Courtesy Galerie Suzanne Tarasiève, Paris

Texte publié sur inferno-magazine.com
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mage de couverture : Chloé Poizat Sans titre (Trognes 2), 2014 Pastel sec sur papier, 230×150 cm Courtesy de l’artiste © Chloé Poizat

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